L’espace
urbain de la ville de Saguenay – Jonquière
BUT ET
OBJECTIF
Le
but de la carte est de montrer l’organisation territoriale et le développement
de l’agglomération urbaine de l’ancienne ville de Jonquière.
ASPECTS MÉTHODOLOGIQUES
L’analyse et l’interprétation de la
carte se fait à partir de deux postes d’observation, soit le parc du
Mont-Fortin de Kénogami et le Centre national d’exposition de Jonquière au mont
Jacob.
COMMENTAIRE
Poste
d’observation : au parc du Mont-Fortin de Kénogami
L’agglomération
de Jonquière
La
topographie plate du site de Jonquière a permis à cette agglomération de
s’étaler sur un plan quadrangulaire tracé à partir de l’axe Saint-Dominique-Sainte-Famille
de sorte que, de tous les points de la ville, on se retrouve à peu près sur le même
type de canevas urbain. À part les vides mineurs occasionnés par quelques
affleurements rocheux peu importants, tout l’espace est occupé et la densité
résidentielle va en décroissant de façon régulière vers la périphérie. De plus,
l’uniformité socio-professionnelle de la population s’exprime naturellement,
dans le paysage, par le peu de diversité des habitations.
Dès
que l’on quitte l’axe commercial central, les longues files de résidences
multifamiliales apparaissent immédiatement. Les maisons à étages, avec galeries
en bois et avec escaliers extérieurs, sont innombrables, comme elles le sont
partout dans l’agglomération et elles sont souvent en alternance avec des
maisons unifamiliales qui, elles, sont différentes de celles de Chicoutimi. Les
municipalités de Jonquière et Kénogami (annexées ensemble dans une première
vague de fusion dans les années 70) ne présentent, en effet, presque jamais ces
anciennes résidences de style canadien comme dans l’ouest de Chicoutimi; on y
voit plutôt des maisons dont le style se situe à mi-chemin entre le bungalow
moderne et la maison plus ancienne.
L’impression
générale de simplicité que laisse cette agglomération ne devrait toutefois pas
faire croire en une absence de structures urbaines. Les quartiers structurés
n’ont pas, ici, l’enracinement de ceux de Chicoutimi, car la ville est
relativement récente et ne s’est pas développée suivant des facteurs très
variés. Cette ville, en effet, a vécu d’abord de sa pulperie puis de sa
papeterie et l’avènement de l’Alcan a accentué ses caractères d’agglomération
ouvrière. Mais des différences existent quand même d’un quartier à l’autre.
D’une
part, Jonquière et Kénogami ne présentent pas le même visage. Cette dernière
est plus aérée, plus homogène et, à cause de son origine de « ville de
compagnie », elle présente beaucoup moins de traits urbains que sa voisine.
L’absence de spontanéité dans le processus d’urbanisation et la proximité de
Jonquière, ville déjà organisée au moment de la naissance de Kénogami, a ralenti
sa structuration et simplifié sa morphologie. En plus de l’usine, elle-même
visible d’un peu partout, des espaces importants sont occupés par les
résidences construites en série sous le contrôle de Price après l’ouverture de
la papeterie. Les maisons construites ensuite par les ouvriers eux-mêmes sont
souvent inspirées de leur style.
Jonquière
est déjà plus différenciée par la seule présence de sa vieille ville.
L’ancienne partie de la paroisse Saint-Dominique et la paroisse Saint-Albert
tout entière ne se conforment pas au plan en grillage du reste de
l’agglomération; les résidences multifamiliales y sont plus nombreuses et le
point de détérioration des édifices est d’ailleurs plus avancé.
En
s’éloignant du vieux quartier vers la paroisse Saint-Laurent, Jonquière et
Kénogami se confondent dans un même paysage de paroisses ouvrières qui n’a plus
besoin d’être décrit. Cette extension vers « le bas » qui date de
l’entre-deux-guerres, époque où les usines de bois ont fonctionné normalement,
s’est accélérée avec l’ouverture de l’aluminerie d’Arvida et s’est doublée d’un
lobe d’urbanisation sur la rive gauche de la rivière aux Sables.
Le
quartier Saint-Georges, qui occupe cette rive, présente plus que tout autre,
dans sa morphologie, les étapes de l’industrialisation du Saguenay. Les
premières résidences ouvrières sont massées de part et d’autre du chemin de
fer, le plus près de la rivière, le plateau est ensuite occupé par le quartier
Archambault, construit par la Wartime Housing (SCHL) et la prospérité des
années cinquante s’exprime par l’extension vers le sud du quartier qui devient
uniforme et renferme un petit noyau de bourgeoisie locale.
L’agglomération
Jonquière n’a pas vraiment changé depuis la fin des années 70. Cependant, l’expansion
de la ville s’est progressivement développée près du boulevard René-Lévesque et
le long du boulevard Harvey. Ainsi, cet emplacement a vu surgir un centre
commercial, deux polyvalentes, un centre de données fiscales, des magasins à
grandes surfaces et des quartiers plus récents.
NOTE:
Le sommet du Mont Fortin offre aussi une excellente vue sur le complexe hydroélectrique
Shipshaw-Chute-à-Caron du côté nord.
Poste
d’observation : Centre national d’exposition de Jonquière au mont Jacob
L’ouverture
de la pulperie par un groupe de Jonquièrois aidés d’une subvention de la
municipalité de paroisse fit entrer cette localité dans le XXe siècle. Le petit hameau agricole de la fin du XIXe siècle devint
rapidement un village industriel, grâce à la transformation de la pulperie en
papeterie et l’accroissement démographique fut si rapide que, huit ans plus
tard, il sera incorporé comme ville. Le rythme d’urbanisation sera ensuite
assez rapide pour concurrencer Chicoutimi.
La
rue Saint-Dominique est le premier alignement de maisons qui est apparu à
Jonquière. Les colons de la « Petite Société » (1) s’y sont installés les
premiers, un peu en aval du centre-ville actuel, puis la densité des fermes a
commencé à s’accroître sur cet axe, avec une certaine concentration de part et
d’autre de la chapelle construite en 1860.
On
eut cru qu’ensuite, les premières rues transversales apparaîtraient aussi de
part et d’autre de l’église, mais cela n’arriva pas. Elles n’apparurent qu’au
moment de la construction du chemin de fer Chicoutimi - Lac Saint-Jean en 1891
et l’attrait exercé par celui-ci a laissé l’église dans une position
excentrique. Les rues Saint-Pierre (Saint-Louis en 1905), Saint-Jean et Ouellet
sont de cette époque et, pendant les premières années du XXe siècle,
elles ont été suivies d’une douzaine de rues nouvelles qui ont toutes coupé
l’axe principal entre l’église et la gare. Jonquière s’est donc retrouvée, au
moment de son incorporation comme village (1904) avec un plan comparable à
celui de plusieurs villages actuels du Lac Saint-Jean, avec toutefois une
église située en périphérie. Mais on était déjà, à ce moment-là, dans une autre
époque, car la pulperie a commencé à produire en 1900.
Cependant,
le processus d’urbanisation n’est plus le même: déjà, les spéculateurs ont flairé
le progrès de cette localité. Par exemple, dans un projet datant de 1912, la
ville est subdivisée en lots qui sont mis en vente dans toute la province par
un agent immobilier, témoignant ainsi de l’euphorie typique des villes de front
pionnier qui régnait dans cette ville à l’époque.
Cette
époque marquera le paysage urbain de ses alignements de maisons multifamiliales
en bois, très rapprochées les unes des autres et dont plusieurs sont encore
debout aujourd’hui. Le plan de ville à trame orthogonale est adopté à ce
moment-là et caractérisera le dessin de cette ville jusqu’à nos jours. La venue
de l’aluminerie d’Arvida, en 1925, donna ensuite un nouvel élan, à cette
urbanisation.
La
dynamique de la concurrence
Jusqu’à
l’arrivée de l’aluminerie dans la région, une très nette hiérarchie des centres
caractérisait le contexte urbain du Saguenay.
Chicoutimi,
la capitale régionale incontestée d’alors, dépassait de loin ses voisines sur
le plan démographique, du point de vue de ses équipements et du point de vue de
ses fonctions. En 1921, les deux villes de Jonquière et de Kénogami ne
formaient pas encore une agglomération unique et leur population n’atteignait
respectivement que 4 800 et 2 600 habitants, face à Chicoutimi qui en comptait
déjà 10 000; à La Baie, les trois petites agglomérations de ce secteur ne
totalisaient pas 4 000 âmes. Mais, au début des années trente, les choses sont
très différentes. Spatialement, Jonquière et Kénogami se sont rejointes et ne
forment plus qu’une seule agglomération; de plus, les taux de croissance y a
été beaucoup plus rapide qu’à Chicoutimi, de sorte qu’il n’y a alors qu’une
différence de 1 000 habitants entre celle-ci et Jonquière-Kénogami. Les
activités de l’agglomération se sont aussi beaucoup accrues; en 1930, par exemple,
elle a autant d’établissements commerciaux que Chicoutimi et les chiffres
globaux sont comparables.
La
prépondérance de Chicoutimi fut ainsi sérieusement remise en question et l’on
assista alors au début d’une longue période de concurrence serrée entre
Chicoutimi et Jonquière sur le plan de l’importance démographique et sur celui
de l’influence régionale. Cependant, en 2001, Jonquière semblait avoir perdue
la bataille de la ville la plus populeuse au profit de Chicoutimi. En effet,
Jonquière connaît une décroissance de sa population qui atteint 54 800
personnes en 2001. À Chicoutimi, la situation est à l’inverse. Cette ville
connaît une croissance de sa population qui atteint 60 000 personnes en
2001. Il faudra voir si la nouvelle ville de Saguenay, créée en vertu d’une loi
du Québec en 2001, aidera à réunir toutes ces agglomérations en diminuant la
concurrence d’autant plus que la population de Saguenay décroît tout comme
celle de la région.
(1)
Société de colonisation qui a fondé Jonquière en 1847.
RÉFÉRENCES
BOIVIN,
Roger, (2004), Évolution de l’utilisation du territoire de Ville de Saguenay
1997-2001, Québec, Université Laval, Mémoire de baccalauréat en géographie, 213
pages.
BOUCHARD,
Louis-Marie (1973), Les villes du Saguenay : une étude géographique,
Chicoutimi, Fondation de l’Université du Québec à Chicoutimi, 212 pages.
DUFOUR, Jules
(sous la direction de) (1978), La géographie du Saguenay–Lac-Saint-Jean
(Province de Québec) guide d'excursions scientifiques, Chicoutimi, UQAC, Module
de Géographie, Collection Travaux géographiques du Saguenay, no 3,
220 pages.
GAUTHIER,
Majella-J. et Louis-Marie BOUCHARD (sous la codirection de) (1981), Atlas du
Saguenay–Lac-Saint-Jean, Chicoutimi, Gaëtan Morin éditeur, 97 planches.
GAUTHIER,
Majella-J., Carl BRISSON, Martin DION, Alain ROCH et Claude CHAMBERLAND (2000),
La place des centre urbains dans l’organisation de l’espace régional du
Saguenay–Lac-Saint-Jean, Chicoutimi, Université du Québec à Chicoutimi, 30
pages.
GIRARD, Camil
et Normand PERRON (1989), Histoire du Saguenay–Lac-Saint-Jean, Québec, Institut
québécois de recherche sur la culture, Collection Les régions du Québec, 665
pages.
SIMARD, Martin et Majella-J. GAUTHIER (2004) “Les enjeux territoriaux associés
à la réforme municipale. Le cas de Saguenay”, Cahiers de géographie du Québec,
vol. 48, no 134, p.191-207.
SOUTIEN
FINANCIER
Comité de
liaison institutionnel (CLI-UQAC)
Fonds des
enseignements médiatisés (FEM-UQAC)
Carl BRISSON
et Simon OUELLET, Laboratoire de recherche et d’expertise en géographie
appliquée, Camil GIRARD, Groupe de recherche sur l’histoire, Université du
Québec à Chicoutimi, mars 2012.
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