Les
zones agroclimatiques et sylvo-climatiques du Saguenay–Lac-Saint-Jean
Parmi
les tentatives pour mieux cerner et découper le territoire de la région en
zones climatiques plus ou moins homogènes, nous retrouvons l'étude de Bruno
Massin (1970) qui définit les zones à vocations agricoles et forestières du
Québec méridional. L'auteur effectue son étude sur un espace aussi étendu que
la moitié du Québec, ce qui diminue quelque peu le degré de précision au niveau
régional. Il utilise des critères de différenciation et poursuit des objectifs
de qualification du territoire en rapport avec sa fonction biologique.
Comme
l'agronomie reste sujette aux aléas climatiques qui ont des répercussions
importantes sur la physiologie des plantes, l'auteur analyse deux facteurs
climatiques essentiels qui limitent la photosynthèse et, par conséquent, la
production agricole. Ce sont les critères thermique et hydrique.
Le
premier critère repose sur l'utilisation des degrés-jours de croissance qui
sont calculés en fonction de la longueur de la saison de végétation et de la
température à 5,6 oC. Ces degrés-jours constituent une mesure
cumulative de l'énergie disponible pour la période de croissance. De plus, ils
sont calculés avec une probabilité de 50 %.
Le
second facteur repose sur le fait que très souvent les plantes manquent d'eau,
non seulement pour assurer la pleine turgescence de leurs cellules, mais aussi
pour véhiculer les masses hydriques nécessaires aux besoins de
l'évapotranspiration potentielle. Ainsi, les bilans hydriques des sols révèlent
des déséquilibres pouvant exister entre l'évapotranspiration réelle et
l'évapotranspiration potentielle. Ces bilans mesurés sur une base mensuelle ont
été établis à partir des réserves hydriques du sol, de la pluviosité et de l'évapotranspiration
potentielle. Bien que cette recherche ait été faite pour quatre valeurs de la
capacité hydrique des sols (63,5, 88,9 et 114,3, 139,7 mm), la zonation
climatique finale n'est basée que sur un sol à faible capacité hydrique de 63,5
mm. Enfin, Massin, après avoir étudié la fréquence des déficits, se construit
un indice d'aridité qui correspond à 100 fois le nombre annuel moyen des mois
déficitaires.
La
carte climatique du Saguenay—Lac-Saint-Jean, dont il est question ici, n'est
qu'un agrandissement d'une portion de la carte publiée par Massin et elle peut
refléter un certain manque de précision dans la délimitation des zones.
Toutefois, nous sommes d'avis qu'il est possible d'avoir foi en ce découpage.
L'auteur fait apparaître des zones à vocations agricoles et forestières qui
partagent l'espace en quatre blocs définis par l'indice thermique. À ce propos,
la somme de 2 500 degrés‑jours de croissance est considérée, compte tenu
des besoins énergétiques des plantes actuellement cultivées au Québec, comme le
minimum d'énergie calorifique dont doivent bénéficier la plupart des plantes
(et cela, pour une probabilité de 50 %). Par la suite, ces blocs thermiques se
voient subdivisés en zones agroclimatiques en faisant intervenir les
différentes valeurs de l'indice d'aridité.
A) Les zones
agroclimatiques sont au nombre de trois et accumulent entre 1 371 et 1 648
degrés-jours de croissance (calculés en degrés Celsius).
La zone agricole no 1 possède le
meilleur caractère hydrique puisque l'indice d'aridité varie de 75 à 125. Elle
s'étend à l'est du Lac-Saint-Jean et se prolonge sur une largeur de 15 à 25
kilomètres tout au long de la rivière Saguenay.
La zone no 2 se ressent plus que
la première des effets de la sécheresse (125-175), mais elle est moins bien
pourvue en énergie disponible pour la période de croissance. Elle couvre une
mince bande de terre immédiatement au sud du Lac-Saint-Jean et une petite
portion du territoire dans la municipalité de Dolbeau-Mistassini, au nord du
lac.
La zone no 3 est celle parmi
toutes les zones agroclimatiques de la région, qui souffre le plus de la
sécheresse (175-225). Néanmoins, c'est là qu'on trouve le plus grand nombre de
degrés-jours de croissance. Cette zone s'étend sur les basses terres situées à
l'ouest et au nord-ouest du lac à moins de dix kilomètres du littoral.
B) Les zones
sylvo-climatiques boréales sont au nombre de cinq et peuvent être
regroupées en trois blocs.
Le premier
bloc comprend trois zones qui bénéficient de 1 093 à 1 371 degrés-jours de croissance.
La zone no 4, qui est bien arrosée, couvre le bas-plateau laurentien
(dont l'altitude varie de 300 à 490 mètres) tout autour de la dépression. La
zone no 5, un peu plus sèche que la précédente, coïncide, au sud du
lac et de la rivière Saguenay, avec le contact basses terres-hautes terres,
alors qu'à l'ouest et au nord, elle couvre aussi une bonne partie des basses
terres. La zone no 6 comprend les basses terres de plusieurs
municipalités à l'ouest et au nord-ouest du lac Saint-Jean, comme celle de Normandin,
et englobe la municipalité de Sainte-Hedwidge.
Les deux
autres blocs thermiques correspondent à deux zones sylvo-climatiques. L'une
reçoit entre 815 et 1 093 degrés-jours de croissance et est bien arrosée. Cette
zone no 7 coïncide avec les contreforts des monts de la réserve
faunique des Laurentides au sud et ceux des monts Valin et Sainte-Marguerite au
nord.
La zone no 8 est la plus froide puisqu'elle n'obtient que de 537 à 815 degrés-jours de
croissance. Au reste, l'altitude des monts Valin et Sainte-Marguerite,
supérieure à 760 mètres, explique aussi bien le peu d'énergie disponible que la
faible valeur de l'indice d'aridité (75-125).
Donc, il est
indéniable qu'il existe des différences climatiques dans la région du
Saguenay—Lac-Saint-Jean et qu'elles se font sentir de façon appréciable à
l'intérieur même du territoire. On doit noter, cependant, que les résultats
obtenus par certains auteurs, dont Dubé (1968) et Pleau (1969), proviennent de
données recueillies quelquefois sur des périodes de temps de longueur variée et
ainsi, elles peuvent ne pas correspondre toujours aux normes très rigoureuses
de la statistique. De plus, comme nous l'avons déjà mentionné, le manque de
stations météorologiques dans le territoire ne facilite pas l'enregistrement
des pulsations du temps, donc du climat.
En somme,
l'étude de Massin comme celles de Dubé et de Pleau montrent bien que l'espace
le plus chaud et le plus apte à l'agriculture consiste en un corridor d'environ
25 kilomètres de largeur. Il occupe les deux rives du cours supérieur de la
rivière Saguenay, est limité à la baie des Ha! Ha! À l'est et à la plaine
d'Hébertville à l'ouest. à partir de là, ce corridor s'ouvre comme un entonnoir
vers les basses terres du Lac-Saint-Jean. Ailleurs dans le territoire, les
zones climatiques sont marginales à l'agriculture. Nous songeons ici aux terres
partant d'Albanel jusqu'à Sainte-Hedwidge, aux basses terres au nord du lac
Saint-Jean ainsi qu'à la bordure du Bouclier canadien au sud du même lac. Tout
le pourtour est trop froid et correspond aux hautes terres. La venue de
nouvelles technologies comme la télédétection reste à exploiter afin de mieux
nuancer la répartition spatiale de sous-climats et de microclimats.
DUBÉ, Pierre-André,
(1968), Relation climat-végétation au Saguenay—Lac-Saint-Jean, Québec,
Université Laval, Séminaire de thèse présenté à la Faculté de l’agriculture, 70
pages.
GAUTHIER, Majella-J.,
Gilles-H. LEMIEUX et autres, (1987), Le réaménagement intégré des bleuetières
de la Sagamie: le cas de la bleuetière de Saint-Nazaire, dans Aménagement et
gestion des ressources, Les Cahiers scientifiques de l'ACFAS, no 49, p. 137-162.
PLEAU, Claire,
(1969), Esquisse du plan de développement: étude climatologique en fonction de
l'agriculture, Québec, Office de planification et de développement du Québec,
Mission de planification régionale Saguenay—Lac-Saint-Jean, annexe IV, 58
pages.
SOUTIEN
FINANCIER
Ministère des Régions
du Québec
Fonds académique du
réseau de l'Université du Québec (FODAR)
Fondation de
l'Université du Québec à Chicoutimi (FUQAC)
Majella-J.
GAUTHIER, Carl BRISSON, Réal BEAUREGARD et Alain ROCH.