Se restaurer à Saguenay
Contribution à la géographie de la nuit


Qui s’intéresse à la nuit? Qui pense que la nuit c’est le temps de dormir, de refaire ses forces? Qui choisit la nuit pour travailler? Qui profite de la nuit pour vivre autrement, pour s’éclater? Qui a peur de la nuit, ces heures où tous les chats sont gris? 2

Qui est capable de discerner les activités qui sont pratiquées de jour de celles pratiquées nuit? Les grands portraits socioéconomiques tracés pour nos communautés, nos villes nos régions, nos pays présentent une image globale sans tenir compte des modulations jour/nuit3.


LES ACTIVITÉS DE NUIT

Il y a bien sûr un changement dans le type et dans la densité des activités pratiquées en fonction des heures de la journée. Par exemple, les usines, les bureaux, les magasins qui sont pleins le jour se vident la nuit; les quartiers résidentiels se repeuplent le soir venu. Cependant, dans ces cas-là, ce n’est pas coupé au couteau et c’est différent sous plusieurs aspects. Il y a des usines qui fonctionnent en permanence. Il y a des services qui exigent des ressources d’emplois (avec des effectifs réduits, mais quand même présents) comme les policiers, les pompiers, le personnel des domaines du transport (métro, autobus, taxis), de la santé, du fonctionnement et de l’entretien des infrastructures, de l’approvisionnement, de la restauration et de l’hébergement. Donc, on assiste à une colonisation progressive par le jour: le jour se poursuit la nuit4.

La nuit entreprend aussi ses propres activités ou, du moins, ces dernières prennent une importance relative plus grande. Le soir, les cinémas et les théâtres sont ouverts de même que les salles de spectacle. Les promenades après le travail ou avant le coucher prennent place. Les sorties au restaurant, dans les bars, dans les discothèques commencent; on socialise et on vit différemment. Aussi, les sans-abris se cherchent une paillasse pour passer la nuit5. « Petit à petit, la nuit se diurnise, phase ultime de l’artificialisation de la ville. Au-delà des rêves, des peurs et des fantasmes, il y a désormais une vie après le jour »6.


LEVER LE VOILE SUR LA VILLE

L’un des aspects qui mérite l’attention des géographes est de savoir et de comprendre comment les activités jour/nuit s’inscrivent dans l’espace et comment elles contribuent à l’organisation des territoires. Cette préoccupation est plus évidente, il faut le dire, dans les centres urbains où se trouve une grande concentration d’activités et de population et où émergent aussi des conflits d’utilisation et d’occupation du sol, par exemple des conflits entre ceux qui fêtent et ceux qui dorment7.

Les études sur la géographie de la nuit ne pullulent pas, surtout au Québec, même si l’un des précurseurs à réfléchir sur la question, Luc Bureau, vient de la ville de Québec. Celui-ci s’est intéressé davantage aux dimensions poétiques qu’aux dimensions spatiales. Par ailleurs, les exemples de recherches fondamentales et appliquées ont commencé à apparaître, notamment en France à Lyon8, à Paris9, à Caen10, à Nancy11, de même qu’à Lausanne12, à Buenos Aires13, à Bâb al-Sabâhau au Yémen14. Ce ne sont que des exemples pour lesquels des observations et des analyses ont été réalisées.


SOUS NOS CIEUX

Il n’est pas rare que la presse fasse état de situations et de problèmes liés à la nuit; Montréal est souvent l’objet de réflexions comme « les flous de la nuit15» ou des bouleversements dans le monde de la radio nocturne car « ils ont tué la nuit16 ». La ville de Saguenay, au Québec, une ville de taille moyenne avec ses 144 000 habitants, ne rivalise pas, bien sûr, avec Paris, Londres, Madrid, Bruxelles ou Buenos Aires. Cependant, on peut s’imaginer que même si « Saguenay By Night » n’a pas l’ampleur des activités nocturnes des grandes métropoles, il n’en reste pas moins que la vie nocturne prend sa place. Il s’agit de consulter une carte de l’éclairage ou de la lumière effectuée par les satellites la nuit pour s’en convaincre. À ce propos, il a déjà été écrit ceci: « Si la fée électricité a tué la nuit, elle a donné naissance au couple magique ville et nuit. » 17

La ville de Saguenay, la capitale de la région du Saguenay–Lac-Saint-Jean, possède toutes les fonctions urbaines caractéristiques d’une ville de ce type: résidentielle, industrielle, commerciale, éducative, juridique, administrative, etc. Elle supporte des activités de toutes sortes, qui sont exercées non seulement par et pour ses habitants, mais aussi dans un contexte d’ensemble régional. Sans vraiment se baser sur des études détaillées de la vie de ses habitants, il est connu que la ville « ne meurt pas » quand le soleil se couche: les lieux de travail ne ferment pas tous, il y a des services de sécurité qui opèrent, etc.

On le sait, la circulation automobile se poursuit évidemment au ralenti, on déambule sur les trottoirs, certains établissements sont remplis de consommateurs soit de culture soit à la recherche de moments d’échange en particulier dans les restaurants et les débits de boissons. Ce ne sont que quelques exemples.


SE RESTAURER À SAGUENAY

Un des aspects qui mérite d’être étudié concerne la part que prend la nuit dans les activités de restauration, autrement dit où manger et boire la nuit à Saguenay. On n’a jamais analysé cette dimension économique qui pourrait donner une première idée de l’importance de la nuit dans la ville.

Une première pierre vient d’être posée dans cette géographie de la nuit à Saguenay par Daniel Beaulieu-Gagnon18. Dans le cadre des recherches menées par l’Atlas électronique du Saguenay-Lac-Saint-Jean, il s’est posé deux questions: 1) Peut-on mesurer l’offre de restauration de nuit et la comparer à celle de jour? 2) La distribution spatiale des établissements correspond-elle à des pôles, des noyaux où ils se concentrent, comme l’a défini notamment Martin Simard avec ses 16 blocs commerciaux dont les bureaux et les édifices publics et communautaires19? Ou encore épouse-t-elle le tracé des grands axes de circulation?

Il faut rappeler aussi que la chaude actualité nous indique qu’il y a des changements dans l’occupation du sol; une mouvance qui interpelle l’urbanisme et l’aménagement du territoire. Signalons simplement les transformations que la ville a annoncées au printemps 2009, pour remplacer, à Jonquière, les activités de bars déclinantes par des équipements culturel (bibliothèque) et touristique (un bureau de tourisme). « Dans les années 90, les vandales et les fêtards avaient découragé la plupart des boutiquiers de la rue Saint-Dominique ». « Le bruit des bars faisait fuir le voisinage ». « Depuis, les bars souffrent. Les lois contre l’alcool au volant refroidissent les buveurs dans cette ville ou le char est roi ». « L’interdiction de la cigarette a vidé les lieux, sapé l’ambiance »20.

L’analyse qui est présentée ici s’intéresse particulièrement aux endroits où l’on peut manger ou boire dans la ville de Saguenay. Pour cela, nous avons utilisé une base de données de l’année 2006 liées aux restaurants, aux lieux d’hébergement et aux débits de boissons (données provenant de la LIC: Liste des industries et commerces). Les établissements retenus sont au nombre de 220; cela exclut entre autres les dépanneurs, les cafétérias, les roulottes mobiles et les traiteurs. L’analyse, à la fois spatiale et temporelle, prend la forme de plusieurs cartes et diagrammes. On y voit notamment comment le jour se prolonge dans la nuit et comment les concentrations se greffent aux nœuds et artères principales de la ville. (Cliquer ici pour accéder à la carte des arrondissements de la ville de Saguenay).


MÉTHODOLOGIE DE L’ANALYSE CARTOGRAPHIQUE

Pour pouvoir analyser la géographie de la nuit, il faut nécessairement la comparer avec la géographie du jour. Afin d’y arriver, il est nécessaire de diriger l’analyse vers un aspect de la vie qui se déroule à la fois le jour et la nuit. La restauration est sans doute le thème le plus approprié pour ce genre d’investigation. L’activité de la restauration ne s’arrête jamais, même dans une ville moyenne et, dit-on, « une ville où on ne peut manger la nuit n’est pas une ville ». C’est un des aspects du jour qui continue le mieux dans la nuit. L’acceptation de la définition à donner à la restauration ne fait peut-être pas l’unanimité. Dans le cadre de cette étude, on a décidé de se baser sur la notion suivante de repas, c’est-à-dire le fait d’absorber un plat substantiel; cela pourrait se raccrocher à la définition du Petit Robert: « Nourriture, ensemble d’aliments divers, de mets et de boissons pris en une seule fois à heures réglées.» (Petit Robert).

Il faut également déterminer ce qu’est la nuit. Quand la nuit commence-t-elle et quand finit-elle? Il existe plusieurs manières de répondre à ces questions, selon divers points de vue. On peut désigner la nuit selon le temps où la ville n’est pas éclairée par le soleil ou selon différentes législations concernant la nuit (comme la chasse ou restrictions de conduite automobile dans certains pays du monde pour les jeunes conducteurs où il est défendu de conduire la nuit). La nuit reste une définition assez subjective.

Dans le cadre de ce travail, l’heure à minuit est le temps clé pour déterminer la nuit. Comme il a été mentionné plus tôt, la nuit se compare avec le jour; c’est pourquoi midi est utilisé pour désigner le jour. Ces heures servent de baromètres. Pourquoi midi et minuit? Parce qu’à midi, il fait toujours clair et qu’à minuit, il fait toujours noir. De plus, ces heures reviennent souvent pour comparer jour et nuit. Même en faisant un petit sondage auprès de gens croisés au hasard à qui on demande de définir des heures types du jour et de la nuit, ces deux heures reviennent toujours. D’ailleurs, cela nous a été confirmé par le Service de sécurité publique de la ville.

Il faut aussi se souvenir que la nuit fait partie de la journée. Pour prendre une vue d’ensemble d’une journée, six moments représentatifs ont été choisis, comme des photographies instantanées d’une journée. Ces heures sont les suivantes: 8 heures, 12 heures, 18 heures, 22 heures, 0 heure et trois heures. Cela permet d’analyser la variation de la restauration à l’intérieur d’une journée type. Cette journée type a été définie comme étant le mercredi: une journée moyenne de la semaine. On peut comparer la journée type avec une autre journée, par exemple un jour de semaine par rapport à un jour de fin de semaine ou de début de semaine.

Il faut aussi déterminer à quelle période de l’année l’étude se fait. Il a été décidé de prendre une journée d’été. Des demandes spécifiques ont été faites lors des appels téléphoniques aux établissements qui ont des horaires changeants selon la période de l’année, par exemple un établissement situé en bordure d’un terrain de golf ou d’un centre de ski.

S’il est question de restauration, il faut également définir ce concept. Que peut-on juger être un établissement de restauration? Dans le cadre de ce projet, les restaurants sont définis par le code SCIAN (Système de classification des industries de l'Amérique du Nord). Comme cela a été dit plus haut, les dépanneurs, les traiteurs, les banquets, les cafétérias et les cantines n’ont pas été retenus. Cette décision a été prise selon la logique voulant que la vocation première de ces endroits ne soit pas la restauration sur place. Les établissements d’hébergement (hôtels, motels et gîtes) de même que les bars ont été conservés, car ces deux types d’endroits s’intègrent habituellement à l’idée de se restaurer; ils font donc partie du projet. Il y a alors trois catégories d’établissements de restauration, soit les restaurants, les lieux d’hébergement et les bars. Il est à noter que l’inscription des établissements à la LIC est facultative; malgré tout, nous sommes assurés qu’elle couvre la très grande majorité des établissements de restauration. Comme le projet a été réalisé en 2009, il a fallu contacter par téléphone chaque établissement pour d’abord vérifier s’il existait toujours et également pour obtenir ses heures d’ouverture. Il est à noter que l’information qui est utilisée ici se rapporte à la liste validée des établissements en opération en 2006.

Avec les 220 établissements, il a été possible de monter une base de données (base de données A). À l’intérieur de celle-ci, on retrouve le nom de l’établissement, un numéro d’identifiant, le numéro de téléphone, l’adresse, la ville, le code SCIAN, la définition qui s’y rattache ainsi que le nombre total d’employés travaillant dans l’établissement. Cette base de données est complétée par de l’information originale correspondant aux six moments d’ouverture déterminés plus haut; il s’agit des heures d’ouverture selon les sept jours de la semaine. Cette première base de données sert à la construction des cartes d’analyse de localisation et des modèles gravitaires. Une codification est utilisée pour différencier les établissements où on peut manger sur place, ceux où on ne peut pas (un bar par exemple), ceux qui sont ouverts 24 heures sur 24, 7 jours sur 7 et ceux qui sont fermés selon les heures clés.

Une deuxième base de données (base de données B) est construite dans le but de répondre à des questions à caractère plus économique. Dans cette base de données, le territoire de Saguenay est divisé en 19 districts électoraux. Pour chaque district, on retrouve la superficie terrestre (en kilomètres carrés) et la superficie combinée des zones commerciales et mixtes (aussi en kilomètres carrés). Ces informations proviennent de l’étude faite par Roger Boivin19. La base comprend aussi le nombre d’établissements par district selon leur catégorie (restaurants, établissements d’hébergement, bars) ainsi que le nombre d’employés. C’est à partir de cette base de données que sont construites les cartes d’analyse par district. À noter que les deux bases de données sont montées dans des fichiers Excel pour être ensuite introduites dans le logiciel MapInfo 9.0 qui est utilisé pour la cartographie.

Il y a trois types de cartes à l’intérieur de ce projet: des cartes qui traitent de l’analyse de points (distribution spatiale), des cartes d’analyse centrographique et des cartes d’analyse par district électoral (analyse de territoires). Comme il a été mentionné plus tôt, les deux premiers types de cartes s’alimentent à la base de données A, alors que le troisième type s’alimente à la base de données B.

Un élément complémentaire aux cartes et à leurs bases de données est produit dans un fichier Excel. En interrogeant la base de données A, il a été possible d’observer la variation du nombre d’établissements de restauration ouverts selon les différents jours et les différentes heures. Les conclusions tirées de cette analyse seront examinées plus tard, dans la partie des résultats.

L’étape suivante consiste à insérer les données dans le logiciel de cartographie MapInfo 9.0. Une fois les bases de données intégrées, il faut géoréférencer les établissements. Cela est réalisé par la procédure « address matching » qui consiste à joindre les adresses des établissements à une base de données cartographiques comportant, sous forme vecteurs, les noms de rues ainsi que les numéros. Cette base provient de Statistique Canada.

Il faut également définir les couches d’information jugées importantes pour une bonne visualisation et une bonne compréhension des cartes. Pour les cartes par points, les limites des arrondissements et de la ville sont visibles afin de donner une idée de l’endroit où se trouvent les points. L’hydrographie est une composante incontournable, tout comme le réseau routier, car c’est souvent en se déplaçant en véhicule que l’on va au restaurant. Les cartes des modèles centrographiques ne prennent pas en compte les limites de la ville, l’accent étant mis sur la concentration de même que l’éparpillement de la distribution et non les limites des arrondissements. Pour les cartes d’analyse par district électoral, ce sont ces derniers qui sont mis en évidence.


RÉSULTATS ET CONCLUSIONS

Les résultats de l’analyse ne sont pas étalés en détail dans ce texte de présentation. On les verra davantage en dépouillant les cartes et les diagrammes. Bref, il y a quatre types de résultats: des distributions spatiales, des questions temporelles reliées à la variation selon le jour et l’heure, des analyses centrographiques distinguant le jour et la nuit, puis des questions à caractère plus économique, soit l’analyse des 19 districts électoraux.


DISTRIBUTION SPATIALE

On peut affirmer qu’à Saguenay, les 220 établissements de restauration, tous confondus (restaurants, lieux d’hébergement, bars) se calquent dans leur répartition sur les nœuds urbains et sur les grands axes routiers. Les restaurants, qui composent 69 % de l’ensemble sont distribués sensiblement selon le modèle général alors que les lieux d’hébergement (16 %) sont souvent situés dans des endroits offrant de beaux paysages sauf peut-être dans le cas des gros complexes hôteliers qui se trouvent dans les centres-villes ou à proximité de ceux-ci. Les bars (15 %) subissent l’attraction des nœuds urbains et on remarque ainsi une présence moindre le long les axes routiers. Les établissements de restauration de type ouvert tout le temps se situent en bordure des nœuds urbains. La proximité du centre-ville conjuguée à un emplacement près des axes routiers devient le positionnement optimal de ce type d’établissement.


HEURE, JOUR / NUIT, SEMAINE

La répartition des établissements varie beaucoup en fonction de l’heure des repas selon le moment de la journée (jour ou nuit). Il s’agit ici de la journée type: le mercredi.

La répartition des établissements est plus dense pendant le jour et s’étale même en dehors des centres-villes, des nœuds et des axes urbains. Dès que le soir descend et que la nuit s’installe, les semis s’appauvrissent et se concentrent surtout dans les centres-villes et les nœuds urbains.

Le déjeuner, le dîner et le souper, avec respectivement 132,158 et 122, occupent le haut du pavé alors qu’à 22 heures, à minuit et à 3 heures, les nombres sont au plus bas, respectivement avec 50, 23, 15. Les heures qui contiennent les nombres extrêmes sont donc à midi (158) et à 3 heures du matin (15).

On assiste à deux coupures significatives: une baisse brutale entre 18 heures et 22 heures et une hausse remarquable entre 3 heures et 8 heures (il n’est pas rare que certains restaurants annoncent sur des panneaux extérieurs qu’ils sont ouverts à partir de 4 1/2 heures du matin).

Le nombre d’établissements varie aussi selon les jours de la semaine. Voici les faits saillants:

Pour tous les jours de la semaine, c’est à midi (12 heures) que l’offre est la plus grande et c’est à minuit (0 heure) et à 3 heures que les possibilités de restauration sont les plus basses; en moyenne, la nuit, on observe une réduction moyenne de 83 %.

C’est à 8 heures qu’il y a le moins de variation dans le nombre d’établissements ouverts durant la semaine, tandis que c’est à minuit et à 3 heures que la variation est la plus forte.

C’est le vendredi qui comprend l’offre de restauration la plus grande avec un total de 579 entités, toutes heures confondues, alors que le dimanche, le moins pourvu, en présente 100 de moins.

Le vendredi et le jeudi se distinguent des autres jours; ils possèdent l’offre la plus élevée de restauration parmi les jours de la semaine à 18 heures (respectivement 148 et 150).

Tout au long de la semaine, c’est le vendredi soir et le samedi soir qui dominent à 22 heures et cela se poursuit pour les heures plus tardives comme à minuit et à 3 heures. C’est un phénomène qui s’amorce déjà à 18 heures.


ANCRAGE SPATIAL

Le déplacement du centre géographique (de gravité) de la distribution des établissements entre le jour et la nuit a été mesuré. Le centre de nuit est nettement plus à l’ouest que le centre de jour (de 2,7 km). Cela s’explique par le poids relatif plus élevé de Jonquière, tandis que l’arrondissement de La Baie en perd énormément. Pour sa part, l’aire de dispersion est plus petite la nuit de 61 km2 par rapport à celle de jour.


DISTRICTS ÉLECTORAUX ET ÉCONOMIE

L’analyse, qui a été menée également selon le découpage en 19 districts électoraux, révèle de grands écarts (pour le mercredi à midi). Les nombres vont de 0 à 32 et la moyenne s’élève à 11,4. On y voit clairement des concentrations dans les centres-villes de Chicoutimi et de Jonquière alors que la périphérie ne présente que des valeurs faibles.

Quand on s’intéresse à la dimension maind’oeuvre, il est aisé d’observer, toujours pour le mercredi à midi, que la plupart des 3 842 employés travaillent dans les restaurant (66 %). Les établissements d’hébergement, quant à eux, ne comptent que 25 % des employés alors que ce sont les bars qui ont la valeur la plus faible avec 9 % des employés.

Si l’on compare les effectifs d’employés dans les établissements entre le jour et la nuit, autrement dit si l’on veut trouver où les activités de restauration de jour se prolongent la nuit, il faut se diriger vers le centre-ville de Chicoutimi et surtout vers celui de Jonquière. À ce dernier endroit, 21,3 % des établissements ouverts le jour le sont encore la nuit, ce qui est une valeur exceptionnelle.

Finalement, au cours de cette analyse, nous avons identifié un nouvel axe urbain, soit le boulevard Saint-Paul, dont la densité commerciale semble indéniable. Également, le taux d’activité de la restauration (14 % en moyenne) durant la nuit a étonné plusieurs personnes, même celles qui travaillent dans ce milieu. On n’aurait jamais cru qu’il fut si élevé.


REMERCIEMENTS

Nous remercions vivement MM. Carl Brisson et Réal Beauregard pour leur implication en matière de cartographie et d’analyse spatiale, de même que tous ceux et celles qui ont contribué de près ou de loin à la bonne marche de ce dossier. Un merci particulier doit être adressé aux personnes des établissements qui ont généreusement répondu à l’enquête.


NOTES ET RÉFÉRENCES

1 Ce texte est inspiré grandement de l’article publié par Majella-J. Gauthier et Daniel Beaulieu-Gagnon dans le Bulletin Temps libre, Association des retraités de l’Université du Québec à Chicoutimi, no 24, 2009, p. 19-22. http://www.uqac.ca/~aruqac/journal/temps_libre_24.pdf. Il reprend aussi des propos tirés du rapport de recherche réalisé par Daniel Beaulieu-Gagnon sur la question.

2 BUREAU, Luc, 1991, Géographie de la nuit, Montréal, L’Hexagone, coll. La ligne du risque, 254 p.

3 GWIAZDZINSKI, Luc, 2005, La nuit, dernière frontière de la ville, La Tour d’Aigues, Édition de l’Aube, coll. Monde en cours, 248 p.

4 GWIAZDZINSKI, Luc, 2005, op.cit.

5 ESPINASSE, Catherine, Luc GWIADZDZINSKI et Édith HEURGON, 2004, La nuit en question(s), Colloque La nuit en question(s), Cerisy-La-Salle, argument de présentation,
http://www.ccic-cerisy.asso.fr/nuit04.html

6 GWIAZDZINSKI, Luc, 2004, La nuit, dernière frontière et nouveau champ de tensions, Colloque La nuit en question(s), Cerisy-La-Salle, résumé de l’intervention, http://www.ccic-cerisy.asso.fr/nuit04.html

7 HEURGON, Édith, 2004, La nuit permet de réinventer le jour, Colloque La nuit en question(s), Cerisy-La-Salle, résumé de l’intervention, http://www.ccic-cerisy.asso.fr/nuit04.html

8 DELEUIL, J.-M., 1993, « Lyon, la nuit, espaces, pratiques et représentations », Intergéo-bulletin, no 112.

9 ESPINASSE, Catherine, Luc GWIADZDZINSKI et Édith HEURGON, 2004, op. cit.
RATP et Ville de Paris, 2004, Paris la nuit: étude exploratoire, http://www.apur.org/etudes.php?visu-etudes.php?id=158

10 FAVRY, Sylvain, 2002, « Aspects géographiques de la nuit caennaise » dans L’Agglomération de Caen, parcours géographiques», Université de Caen, Cahiers de la Maison de la recherche en sciences humaines, numéro spécial janvier, p. 99-109.

11 AUPHAN, Étienne, 2007, « La vie nocturne d´une grande ville de province française: Nancy », Cybergéo, 83, Colloque « les problèmes culturels des grandes villes », 8-11 décembre 1997, http://www.cybergeo.eu/index1088.html. Consulté le 6 avril 2009.

12 CONTI, Nicola, 1999, La nuit lausannoise au travers de ses bistrots nocturnes, Lausanne, Institut de géographie, mémoire de licence, 93.
http://mesoscaphe.unil.ch/igul/memoires/bd/Fiche.php?prefix=TIGL&cote=489&url=%2Figul%2Fmemoires%2Fbd%2FListe.php

13 MARGULIS, Mario, 1995, La cultura de la noche: la vida nocturna de los jovenes de Buenos Aires (Résumé), Biblios, Tapa,
http://www.alibris.co.uk/booksearch.detail?invid=9462849628&browse=1&qwork=7734741&qsort=p&page=1

14 STADNICKI, Roman, 2003, « Une nuit à Bâb al-Sabâh. Émergence de nouveaux rythmes et territoires », Chroniques yéménites  no 11.
http://cy.revues.org/document161.html?format=print

15 BLANCHETTE, Josée, 2008, « Flous de la nuit », Montréal, Le Devoir, 12 déc. http://www.ledevoir.com/2008/12/12/222846.html

16 LAPORTE, Stéphane, 2009, « Ils ont tué la nuit », Montréal La Presse / Cyberpresse, 5 avril, http://www.cyberpresse.ca/opinions/chroniqueurs/stephane-laporte/200904/05/01-843665-ils-ont-tue-la-nuit.php

17 GWIAZDZINSKI, Luc, 2005, op. cit.

18 BEAULIEU-GAGNON, Daniel, 2009, La géographie de la nuit à Ville de Saguenay: se restaurer, Université du Québec à Chicoutimi rapport de baccalauréat en géographie-aménagement, 49 p.

19 SIMARD, Martin et Carl SIMARD, 2005, « Toward a Culturalist City: A Planning Agenda for Peripheral Mid-size Cities », Canadian Journal of Urban Research, Vol. 14, Issue 1, Supplement, p. 38-56.

SIMARD, Martin et Majella-J. GAUTHIER, 2004, « Les enjeux territoriaux associés à la réforme municipale au Québec. Le cas de Saguenay », Cahiers de géographie du Québec, vol. 48, no 134, p. 191-208.

BOIVIN, Roger, 2004, Évolution de l’utilisation du territoire, Ville de Saguenay, 1977 à 2001, Québec, Département de géographie, Université Laval, rapport de recherche pour l’obtention du grade de bachelier, 213 p.

20 SÉGAL, Myriam, 2009, « Il était une fois, sur la Saint-Do », Saguenay, Le Quotidien, 13 mars, p. 11.

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Majella-J. GAUTHIER et Daniel BEAULIEU-GAGNON, Laboratoire de recherche et d’expertise en géographie appliquée, Université du Québec à Chicoutimi, avril 2010.

Production: http://www.uqac.ca/atlas/saguenay-lac-saint-jean